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Une avant-première mémorable pour les élèves de section euro espagnol

Par EMILIE TASTEVIN, publié le mercredi 16 avril 2025 22:19 - Mis à jour le mercredi 16 avril 2025 22:19
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Les élèves de la section européenne espagnol (2nde, 1ère et terminale) du lycée Philibert Delorme de l’Isle d’Abeau ont eu le privilège d’assister cette année encore au 31ème Festival du film espagnol et latino-américain de Chambéry. Ils ont découvert en avant-première le mardi 1er avril 2025 le film Marco, la verdad inventada, réalisé par Aitor Arregi et Jon Garano.

Ce long-métrage espagnol a été salué par la critique et couronné par deux Goya (l’équivalent espagnol des César) dont celui de la meilleure interprétation masculine pour l'acteur Eduard Fernández. Il sortira en France en mai 2025. Ce film retrace l'histoire réelle et troublante d’Enric Marco. Cet homme, pendant des années, a incarné le visage de la mémoire des victimes espagnoles de l’Holocauste. Président de l'association d’anciens déportés, il intervenait régulièrement dans les écoles pour témoigner de l’horreur des camps. Décoré par d'importantes distinctions officielles, il reçut de nombreux hommages pour son courage et était consulté pour son expérience douloureuse.

 

Mais, en 2005, quelques jours avant qu'Enric Marco prononce un discours pour la commémoration de l'anniversaire de la libération du camp de Mauthausen, Benito Bermejo, un historien spécialiste de cette période historique, révèle l’invraisemblable, après une longue recherche de preuves : Enric Marco n’a jamais été déporté. Enric Marco se bat alors pour maintenir sa version de l'Histoire bien que les preuves de son mensonge soient accablantes. 

Le film retrace avec sobriété la découverte du mensonge d'Enric Marco. Les réalisateurs nous révèlent peu à peu les mécanismes de son imposture. Le sous-titre du long-métrage "La vérité inventée" nous informe de la supercherie. Pour Enric Marco, La vérité n'est que Fiction. 

Les élèves ont majoritairement apprécié ce film grâce au travail mené en amont en classe. Ils avaient étudié la guerre civile espagnole (1936-1939). Ce conflit fratricide s'est achevé par la victoire du général Franco qui instaura une dictature. Craignant les représailles de ce régime autoritaire, plus de 500 000 républicains s'exilèrent vers la France avant d’être emportés dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup rejoignirent la Résistance française et furent déportés vers des camps de concentration. Le destin tragique de ces Espagnols, oubliés par l'Histoire, résonne fortement dans le film.

Ce qui a particulièrement intéressé les élèves, c’est la figure d’Enric Marco. Cet imposteur fascine car il est capable de tout pour obtenir de la notoriété. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en 2014, l'écrivain Javier Cercas lui consacrait un roman, intitulé L'Imposteur (El Impostor), dans lequel il présentait le narcissisme maladif d'Enric Marco. 

À l'instar de l'auteur, les réactions des élèves témoignent de leur intérêt pour ce sujet:

« L’acteur principal joue très bien le rôle de Marco […], je suis très impressionnée par l’intelligence de l’historien » (Mayssa). " "Nous voyons la douleur dans les yeux d'un autre déporté quand il découvre la vérité ; tout cela montre et reflète quelque chose qui est d'actualité [...] et nous envoie un message fort sur la distinction entre réalité et fiction" (Serena). " Son mensonge a décrédibilisé l'association des victimes espagnoles de l'Holocauste [...]. C'est totalement égoïste" (Lona). "J'aimerais savoir pourquoi Marco a raconté son histoire inventée. Au final, j'ai plus de questions sans réponses qu'avec réponses"(Lucas). " Nous pouvons observer des archives historiques dans le film, ainsi que la vraie intervention de Javier Cercas " (Ilyana). "De nos jours, il y a beaucoup de personnes qui s'inventent une vie pour avoir de la reconnaissance et de l'importance" (Halya). "Ce film fait penser aux personnes d'aujourd'hui qui " créent leur vie sur les réseaux sociaux " (Justine). 

Ces remarques reflètent leur émotion, leur indignation sincère face au mensonge, mais aussi leurs interrogations profondes sur la nature humaine. 

Avec leur professeure Mme Puentedura, certains élèves pourront faire un parallèle littéraire avec Don Quichotte, qui lui aussi, s’est inventé une vie, un destin, un rôle…

Nous remercions la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a rendu possible cette sortie grâce au dispositif "Lycéens et Apprentis au cinéma". Ce long-métrage a permis un moment de réflexion, d’émotion et de questionnement sur l’identité, la mémoire, et le pouvoir des récits.

 

Soizik Puentedura et Emilie Tastevin